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  • Photo du rédacteurMichel Tanguy

Pourquoi a-t-on tant de mal à prévenir le burn-out? Le déni est au coeur de la réponse.

J'ai déjà écrit sur cette épineuse question de la prévention (cf article "Peut-on prévénir un burn-out ?"). Face à l'apparente difficulté de prévenir la sortie de route lorsque le processus est engagé et que la personne est en quelque sorte prise au piège de la spirale infernale du stress chronique au travail, j'ai voulu essayer de comprendre pourquoi. La réponse est évidente. Déni, déni, déni !

Le burn-out est l'une des grandes pathologies de ce siècle. Il suffit pour s'en rendre compte de regarder l'explosion des cas d'épuisement professionnel autour de soi, dans tous les secteurs d'activités, toutes les classes socio-professionnelles et à travers toutes les tranches d'âge.

Déni de l'employeur ! La cause est indiscutablement un environnement de travail où l'humain, la reconnaissance et la considération ont disparu, au profit du rendement et du sur-investissement à tout prix, dans une culture française qui accorde de surcroit beaucoup trop d'importance au travail.

Nous voilà donc bien pris dans le piège d'une pathologie à grande échelle, d'âmes malades d'un idéal bien trop grand pour leur travail, qui plus est impossible à réaliser ! Pascal Chabot écrit dans son livre "Global burn-out" : "Qu'est-ce que le burn-out, sinon une conséquence de ces régimes effrénés ? Ses symptômes de fatigue, d'anxiété, de stress ingérable, de dépersonnalisation et de sentiment d'incompétence, dressent le portrait de gens qui ont trop donné, sans recevoir ce dont elles avaient besoin. Elles se sont souvent oubliées, sans toujours avoir le choix de faire autrement."

Il y a évidemment urgence à provoquer un changement de paradigme dans nos entreprises, hopitaux, écoles, etc... Remettre prioritairement des qualités humaines dans le management des équipes : empathie, écoute, bienveillance, reconnaissance et confiance ; mais aussi arrêter ce culte de l'hyper-investissement au travail qui entraîne une explosion des pathologies de surcharge dont le burn-out. Arrêter notamment de valoriser la présence à outrance, la connection digitale 24/7, autant de pratiques qui installent le cerveau dans une hypervigilance constante et perturbent dangereusement nos neurotransmetteurs... Le cerveau a besoin de temps de récupération pour ré-équilibrer le surplus de cortisol et d'adrénaline stockés dans le corps à l'occasion du stress chronique de nos journées hyper chargées.

Déni du travailleur ! Je constate dans mon cabinet de psychothérapie et de coaching, où je reçois jusqu'à 5 clients par jour autour de la problématique du burn-out, combien il est difficile de prévenir l'épuisement tant les individus concernés sont embarqués dans un sur-investissement toxique et une idéalisation tellement puissante du rôle de leur travail, que ce dernier finit par prendre une place écrasante dans leur vie.

Je pense à Monica, 33 ans, cadre dans une agence de santé, que j'accompagne depuis un mois en prévention burn-out et qui a déjà tous les signes d'un "burn" bien avancé : troubles de concentration et de mémoire, pleurs quotidiens avant le travail, hyper émotivité et susceptibilité accrue, perte de confiance en soi, perte d'appétit et de joie de vivre... Monica a une surcharge de dossiers à gérer avec un isolement grandissant (elle a beaucoup de difficulté à demander de l'aide) et une perte progressive du sens de son travail. Et pourtant elle ne veut ni accepter un arrêt de travail (pourquoi les autres y arrivent et pas moi ?), ni changer de service ou d'entreprise (pourquoi serais-je meilleure ailleurs ?). Monica m'avoue : "Le travail est tout pour moi !". "Tout ?", lui dis-je... "Oui, car le travail c'est mon indépendance".

On voit clairement ici chez Monica un phénomène d'identification totale à son travail (je n'existe pas sans mon travail) qui conduit à une angoisse existentielle très forte de mort (si mon travail meurt, je meurs moi aussi!).

Le "burn" que traverse Monica est la démonstration d'un mode de défense inefficace qui la conduit vers la sortie de route du burn-out.

Bien sûr en tant que thérapeute j'aimerais pouvoir dire à Monica qu'elle n'est pas son travail, mais bien plus que cela. Je vais tenter de l'aider à se détacher de son moi-professionnel vampirisant et investir une partie importante de son énergie dans tout le bon ailleurs, afin d'éviter un burn-out sévère. Et il lui faudra sans doute traverser elle-même l'angoisse de mort et d'anéantissement pour accéder à l'espace que Heidegger nomme "celui de l'être authentique".

Je suis convaincu que le burn-out est une "petite mort" qui peut justement sauver. Irvin Yalom le dit très bien dans "La thérapie existentielle" : "Au lieu de nous condamner à une existence de terreur ou de pessimisme lugubre, la mort fait office de catalyseur et nous enjoint à adopter un mode de vie plus authentique, tout en accroissant notre joie de vivre, comme le corroborent de nombreux témoignages d'individus confrontés à la mort".

En fait il est plus facile pour une personne ayant fait un burn-out sévère, arrêtée de longs mois, de faire son deuil de cette "mort" professionnelle, que pour une personne en déni, dans un "burn avancé" mais qui s'accroche encore à son travail et refuse de s'arrêter. Comment voulez-vous qu'elle fasse son deuil tant qu'il n'y a pas eu de mort ?! Je fais l'hypothèse que le déni est très fortement ancré dans le cadre du burn-out car il est solidement attaché à deux racines pourtant antinomiques: un illusion d'immortalité et une angoisse de mort.

Construit avec un Moi Idéal de super héros qui peut travailler, travailler, travailler sans limites, faudra-t-il aller jusqu'à l'épuisement total avant de se rendre compte que le travail peut tuer ?

Faudra-t-il traverser psychologiquement, physiquement et spirituellement cette petite mort pour calmer définitivement une angoisse de mort, ou plus exactement une angoisse d'anéantissement, en découvrant qu'il y a bien quelque chose, probablement le plus important à vivre, au-delà de ce travail qui nous consume.

En prévention, vous l'avez compris, le thérapeute va essayer d'accompagner la mort symbolique du faux self : soigner le Moi Idéal surpuissant et dissoudre l'angoisse de mort et d'anéantissement pour retrouver l'axe de vie perdu de vue depuis trop longtemps sans doute.






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