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Photo du rédacteurMichel Tanguy

Les 4 temps pour bien traverser un burn-out

Dernière mise à jour : 8 juin 2021


Les dizaines de personnes que j'ai accompagnées ou que j'accompagne encore dans leur expérience du burn-out m'ont confirmé ce que j'avais déjà observé avec ma propre histoire : il est important pour guérir de traverser 4 temps bien distincts. Je le répète dans plusieurs de mes articles : il s'agit du retrait, du "décès", du projet et de l'après (cf article "Combien d'étapes dans le traitement d'un burn-out ?"). Ces quatre temps sont des séquences bien spécifiques, idéalement successives, en tous cas essentielles dans le processus du burn-out pour guérir.

Mais qu'appelle-ton guérir ? Mot un peu fourre tout... Dans ma vision du monde, guérir d'un burn-out n'est pas seulement guérir de la pathologie, au sens où un médecin peut décider à partir d'un diagnostic médical que la personne est guérie car elle n'a plus de troubles anxieux et est suffisamment remise de son épuisement physique, émotionnel et cognitif -souvent après plusieurs mois de repos et d'antidépresseurs-. Non guérir pour moi, c'est bien plus que cela : c'est être également capable d'utiliser l'expérience du burn-out pour réactualiser sa vie, lacher les vieilles constructions toxiques qui nous ont menées droit dans le mur et repartir sur de bons rails. Si la personne ne redevient pas "acteur de sa vie", elle ne sort pas victorieuse de l'épreuve. Car rappelons-nous que si le burn-out est l'échec d'une stratégie de sur-adaptation au stress chronique au travail, il est aussi l'échec d'une suradaptation à un idéal, et l'opportunité pour cet idéal du moi (ou faux self ou moi-séparé suivant les auteurs) de tomber, pour faire place au vrai self.

J'ai envie de vous parler d'une de mes clientes, Sarita, qui m'a consulté pour la première fois le 29 novembre 2019. Arrêtée depuis un mois par son médecin généraliste pour épuisement professionnel, ou plus exactement pour troubles de l'adaptation avec humeur dépressive, elle voit également un psychiatre qui lui prescrit des anti-dépresseurs qu'elle ne prend pas. Elle éprouve une grosse fatigue, dort très mal depuis plusieurs mois, a des problèmes de concentration et des crises d'angoisse. Elle est directrice des ressources humaines dans une grande entreprise et se sent coupable d'abandonner son équipe. Elle a honte de ne plus travailler face à son jeune fils. Elle n'accepte pas de dire à ses amis qu'elle est en burn-out. Et n’a plus d’énergie pour confronter son mari et pourtant elle sait qu’elle doit le quitter. Elle a très peur de l’avenir et ressent de la colère contre sa patronne toxique. Elle veut réussir son Master dans une grande école de business et son assimilation occidentale. Très ambivalente par rapport à ses origines indiennes, elle est également ancienne danseuse mais coupée de son corps. Sarita présente un tableau clinique de burn-out bien installé.


1er temps : Le retrait.

Quand nous commençons le travail thérapeutique ensemble, elle est dans ce 1er temps du burn-out, le retrait. L'arrêt de travail, indispensable, permet de réduire les premiers effets pathogènes du travail. Mais pour autant, Sarita est dans une posture très ambivalente : à la fois dans le déni et en même temps totalement identifiée à sa maladie. Cette ambivalence est très classique à ce stade. Qui plus est, comme tous les profils de suradaptés et de battants (n'oublions pas que le burn-out est la maladie des courageux!), Sarita veut déjà que je l'aide à travailler sur son futur projet professionnel. Elle veut faire ce qu'elle a fait toute sa vie, sauter des étapes pour aller toujours plus vite, plus loin... Mais plus loin de quoi ? De soi, sans doute... Sarita se voit déjà à l'étape de projet, alors que tout son corps lui dit stop.

A ce stade, l'accompagnant a une responsabilité : ne pas se laisser envahir par les injonctions du faux self de son client qui le pousseraient à brûler les étapes et l'accompagner vers un objectif qui ne soit pas écologique pour lui. Au contraire, dans cette première étape du retrait il y a urgence à ralentir, à vivre dans le présent (car le passé et le futur sont énergivores). Le thérapeute doit agir subtilement, car comme à ce stade la relation thérapeutique est fraîche, pas encore forte, ne rien faire peut aussi effrayer ou agacer le client. Etre capable d'accueillir la blessure narcissique énorme du client avec son cortège d'émotions paradoxales (honte, culpabilité, colère, tristesse), faire un travail pégagogique sur le burn-out et sur une nouvelle hygiène de vie indispensable pour accompagner cette étape (vivre dans le présent, écouter son corps, devenir responsable de son cadre protecteur, identifier ses ressources et ses stresseurs, mesurer régulièrement son niveau d'énergie). La psychologie positive est précieuse pour poser des intentions quotidiennes qui peuvent orienter la psyché positivement et aider à traverser cette période vécue à la fois comme une déflagration et un marasme, où le burn-out prend toute la place. "Je suis mon burn-out".


2e temps: le décès.

Au bout de quelques semaines, parfois plusieurs mois, la personne récupère un niveau d'énergie plus haut et plus stable. Le thérapeute peut commencer à travailler le "pas juste" dans la situation professionnelle qui, cumulé au "trop", a conduit la personne au burn-out. On va explorer les pertes subies, voir si elles peuvent ouvrir vers des choix. En explorant ses besoins, ses valeurs et en ré-actualisant ses différentes identités, Sarita réussit à faire tomber de nombreux masques. Elle se rend compte qu'elle essayait d'honorer un contrat de vie qu'elle devait à ses parents : réussir socialement et financièrement coûte que coûte. En lâchant ce contrat, elle peut accepter de se rapprocher de ses désirs et de ses envies propres. Cette étape est cruciale. Sarita aurait pu choisir de ne pas la traverser, et de retourner dans sa vie d'avant, essayant à tout prix de réussir son idéal de puissance, de super executive occidentale ; ce que Jean-Yves Leloup nomme le rêve de l'homme (ou de la femme) augmenté.e ; mais où, tel Icare qui se brûle les ailes, aurait été vouée à une chute dangereuse voire mortelle. Non, Sarita choisit de lâcher ses vieux contrats, et certains mécanismes ou résistances aussi.

Dans cette étape, Sarita a appris clairement qui elle n'était plus ! L'accompagnement réclame de la part du thérapeute des qualités de résilience, de sécurité intérieure et une foi dans le processus de croissance du client, qui souvent va avoir peur de ce qu'il voit de lui à ce stade : un peu comme lorsque nous faisons des gros travaux de rénovation dans un nouvel appartement, et que tout l'ancien a été arraché mais que le nouveau n'est pas encore posé.

"Je découvre qui je ne suis plus."


3e temps : le projet.

En utilisant la traversée de son burn-out pour tenter de devenir auteur de sa vie, Sarita peut reprendre les rennes et vivre autrement mais davantage pour elle. Alors seulement démarre l'exploration du projet. Un projet professionnel qui s'inscrit dans une conception plus vaste de sa vie où il n'est plus question d'oublier les temps pour soi, pour ses proches, pour l'autre, etc... Ce n'est que parce que Sarita sait désormais qui elle n'est pas ou plus, ce qu'elle ne veut pas garder d'avant, qu'elle va pouvoir de façon plus ajustée construire un futur qui la met en joie. Pour accompagner cette étape de définition de projet, des compétences de coach professionnel peuvent être très utiles chez l'accompagnant.

"J'apprends ce qui me met en vie."


4e temps : L'après.

Mars 2021. Sarita est désormais fière d’être spirituelle et de ses origines indiennes. Elle est séparée de son mari avec qui elle partage la garde de leur fils qui la remplit de joie. Elle travaille dans une société de conseil en RH où elle souhaite se spécialiser dans le recrutement, l’outplacement et le coaching d’expatriés. Elle développe avec succès son réseau pro « indien ». Elle a créé un club et un blog franco-indien. Elle s’est réconciliée avec son corps et suit à des fins de développement personnel une formation de professeur de Yoga kundalini.

Sur la base de ma propre expérience (lorsque j'étais à la place de Sarita) ou de celles d'autres clients que j'ai pu accompagner j'en arrive à cette conclusion :

Quand les étapes sont bien suivies, il est fréquent qu'à la sortie, à ce temps "d'après", se sentant tellement plus "à sa place", la personne remercie son burn-out !

"J'aime mon burn-out."


On imagine assez bien que si Sarita n'avait pas pris le temps -et fait l'effort- de traverser le "décès" de son faux-self, de faire tomber ses masques afin de se recentrer (2e temps), elle aurait pu se satisfaire d'un verdict purement médical (vous êtes guérie) et serait repartie dans le même système toxique qu'avant. Les mêmes causes ayant les mêmes effets, elle aurait vraisemblablement rechuté. Incapable de savoir ce qui est bon pour elle, donc incapable de définir un nouveau projet sain et épanouissant. Ce n'est que parce qu'elle a fait ce chemin de guérison en 4 étapes qu'elle a pu traverser avec succès la pathologie du burn-out (1er temps et début du 2e temps), apprendre les leçons de ce burn-out (2e temps), et redevenir auteur de sa vie (3e et 4e temps).

En ce sens, j'en suis convaincu, le burn-out est un appel à l'individuation, à ré-actualiser ses identités, à (re)trouver son axe vital et son feu sacré.



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